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Cercle Évangile et liberté en Isère
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Cercle Évangile et liberté en Isère
Cercle Évangile et liberté en Isère
  • Le Cercle Évangile et liberté en Isère revendique son appartenance au protestantisme libéral. Ce cercle, membre de l’Église Protestante Unie de Grenoble, se veut ouvert à tous, croyants ou non croyants, sans volonté de faire du prosélytisme.
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28 juillet 2012

C’est la société qui fait la famille

 

Contrairement à l’idée généralement admise, la famille n’est pas le socle de la société.   Serait-ce de la famille refondée, remise d’aplomb,  que dépendrait l’avenir de la société ?

 Suffirait-il que les pères de famille éduquent bien leurs enfants, leur apprennent à respecter leurs instituteurs et les gendarmes pour qu’il n’y ait plus de problème dans les banlieues ? C’est l’option qui est généralement privilégiée par certains hommes politiques qui espèrent qu’en sanctionnant les parents d’enfants délinquants en leur supprimant par exemple les allocations familiales, les choses rentreraient dans l’ordre. Si tel était le cas, il faudrait renforcer le rôle des religions au risque de renforcer le communautarisme comme certains en ont fait grief à Monsieur Sarkozy qui sur ce point privilégiait les curés et les pasteurs, et peut- être aussi certains imams ? Aux instituteurs.

  Est-ce sur la famille que reposerait l’avenir de notre civilisation ? La religion aurait alors un rôle essentiel à jouer. Pour que le projet se réalise, il faudrait que la famille soit constitutive de la société, qu’elle en soit bien le socle. Mais quelle est donc la théorie qui justifierait une telle conviction ?

-1- Comment s’est imposé l’idée que la famille est la cellule naturelle sur laquelle repose la société.

 Ce qui justifierait ce point de vue est la conviction selon laquelle la famille est un phénomène universel qui repose, comme le dit Claude Lévi-Strauss, sur l’union plus ou moins durable et socialement approuvée d’un homme, d’une femme et de leurs enfants. Lévi-Strauss avait présupposé que nos ancêtres vivaient en familles biologiques fermées sur elles-mêmes. Il montrait que l’interdit de l’inceste est le terrain privilégié du passage entre l’ordre de la nature qui relevait de l’universel, à l’ordre de la culture, qui relevait de la particularité de chacune des sociétés.

 L’on a été alors tout naturellement enclin à polariser notre attention sur ce qui explique et justifie l’union entre hommes et femmes. Pour la plupart des gens, l’étude de la parenté ne pouvait s’envisager que sous l’angle de la famille nucléaire habitant sous le même toit. La famille serait un fait universel qui repose sur la différence des sexes et sur l’échange des femmes entre familles, échange imposé par l’interdit de l’inceste. C’est de ce point de vue que les sociologues ont étudié les changements intervenus au fil du temps sur l’évolution de la famille.

 Le psychanalyste a utilisé la clef de lecture du complexe œdipien pour aider l’analysant à lire dans son inconscient les liens tissés avec ses parents. Le psychologue a étudié la personnalité de chacun des protagonistes. Le thérapeute familial a contribué au dévoilement des rôles des uns et des autres au sein de la famille, entre parents-enfants, père mère, et enfants entre eux. Le psychothérapeute transgénérationnel a mis au jour les syndromes d’anniversaires, les non-dits-secrets en remontant le fil du temps deux ou trois générations en arrière.

 Chacune de ces approches est tout à fait valable et utile. Mais en conclure que le postulat à retenir est que c’est de la famille seule que dépend la solution des problèmes posés par la société serait une erreur. La société ne se réduit pas à un problème de génération et de parenté, à une question de filiation et d’échanges horizontaux de tous ordres entre les familles. Les avancées de l’ethnologie démontrent en effet qu’en fait dit Godelier, « ce sont les rapports politico-religieux qui peuvent unir les groupes de parents qui composent une société en un tout qu’ils enveloppent et qui doit se reproduire », et non la parenté qui serait le fondement de la société.

- 2 - L’échec évident de la chrétienté

Les Églises n’ont pu jusqu’à présent que reprendre leurs objurgations du passé. Certes ! Elles se sont penchées sur l’importance à accorder à l’éthique familiale. L’Église catholique a martelé ses exigences quant au statut et au rôle de l’homme et de la femme, en rappelant au passage ses interdits sur la contraception, l’ I. V. G. et le préservatif. Le protestantisme historique, Luthéro-Réformé, a insisté sur la conscience que chacun doit avoir de ses devoirs envers son prochain et tout particulièrement envers son conjoint. Comme il n’y a pas de magistère auquel se soumettre dans le protestantisme, il a été rappelé que c’est au nom de la liberté de conscience et de la responsabilité de l’individu devant Dieu que chacun est amené à prendre ses décisions.

 L’Église s’en est tenue alors simplement à des recommandations et à une catéchèse qui s’appuie éventuellement sur l’examen des textes bibliques. Les évangéliques fondamentalistes, plus rigoureux en ce qui concerne les exigences morales, imposent le respect d’un comportement licite pour la communauté. Cela a trait aux vêtements, à l’interdiction du divorce, de l’I.V.G. , en accord sur ces points avec l’Église catholique.

 Malgré tous ces efforts, la chrétienté est actuellement incapable d’imposer un comportement en accord avec ses valeurs comme elle a pu le faire par le passé, car les valeurs prônées par les Églises sont actuellement balayées par l’idéologie dominante dans la société. Aujourd’hui cette idéologie est celle du néolibéralisme. Il y a convergence entre une volonté politique et l’environnement culturel au rôle équivalent à celui d’un pouvoir religieux. La volonté est politique, car les démocraties comme les dictatures sont, qu’elles le veuillent ou non, au service des pouvoirs économiques régnant à l’échelle planétaire. Quand il y a convergence politico-religieuse, la société modifie les règles de fonctionnement de la famille. C’est ce qui se produit sous nos yeux.

 -3 Dimension politico-religieuse de l’évolution de la famille

Nombre d’anthropologues poursuivant les études de terrain et la réflexion rejetèrent l’idée que la parenté était nécessairement fondée sur l’échange des femmes par les hommes. Peu à peu, la thèse selon laquelle les rapports de parenté étaient le fondement de la société fut contestée. Sans particulièrement contester la méthode d’analyse structurale élaborée par Lévi-Strauss, les anthropologues considérèrent normal de reprendre les études de la parenté en prenant en considération l’économie, le pouvoir, la religion, et non plus seulement les relations hommes femmes. Il apparut de plus en plus évident qu’on ne pouvait plus recourir à des notions encore évidentes selon lesquelles les sociétés dites primitives seraient des sociétés fondées sur la parenté ou que la famille est le fondement de la société.

 Comme le démontre Maurice Godelier les rapports de parenté fonctionnent à deux niveaux. L’un concerne effectivement le rôle de la vie personnelle des individus dans la construction de leur identité sociale, sexuelle. Ces rapports, ces liens constituent les premières formes d’intégration dans la société et influence l’enfant pour son devenir. L’autre versant des rapports de parenté concerne des rapports sociaux qui n’ont rien à voir avec les fonctions de parenté, mais viennent s’y loger. Ils mettent en quelque sorte les rapports de parenté à leur service. Ces rapports sociaux traversent tous les groupes pour les situer les uns par rapport aux autres suscitant une interdépendance qui forme un tout. « Les systèmes de parenté changent, et à nos yeux les forces qui les font changer prennent leurs sources bien davantage dans les rapports politico-religieux, qui façonnent une société comme un tout, que dans les rapports économiques. »

- 4- Impact de la nouvelle religion athée.

Godelier fait mention à ce propos du rôle déterminant joué par l’Église qui a interdit la polygamie, le concubinage, le divorce, le remariage des veufs, l’adoption, le mariage des prêtres. L’Église légitimait le pouvoir. Aujourd’hui l’idée de démocratie, soutenue par la Déclaration des droits de l’homme, s’est substituée au christianisme. Il ajoute alors « on peut donc raisonnablement supposer que l’hégémonie croissante du système capitaliste sur le plan mondial, et l’apparition de régimes politiques démocratiques au sein des sociétés occidentales qui l’avaient vu naître, ont eu un impact sur la reproduction des rapports de parenté dans les sociétés soumises à leur domination ou exposées à leur influence. » Nous pouvons en conclure que c’est la société qui détermine les modes de comportements de la famille post-moderne. Si l’on se permet d’assimiler la démocratie à un fonctionnement quasi religieux, l’évolution de la famille est bien d’ordre politico-religieux comme ce fut par le passé.

 L’homme produit de la société pour vivre Au lieu donc de présupposer comme Lévi Strauss et Freud que nos ancêtres vivaient en familles biologiques fermées sur elles-mêmes, il faut partir de l’hypothèse que nos ancêtres vivaient en sociétés composées déjà de familles. La démonstration que fait à ce propos M. Gaudelier part de la même constatation qu’Ellul faisait quand ce dernier évoquait l’une des premières découvertes techniques faites par l’homme à l’orée de l’humanité.

 Il y a 1,6 million d’années, le feu apparaît. Il est domestiqué environ un million d’années plus tard, vers moins 500 .000. C’est un facteur essentiel qui a conduit hommes et femmes à coopérer. A l’aide du feu, ils se protègent du froid et des animaux. Ils peuvent utiliser des ressources qui, grâce à la cuisson, deviennent comestibles. Ils créent des camps de base où l’on fait la cuisine et se partage la nourriture. Il faut s’organiser pour maintenir le feu et en protéger les enfants. L’usage du feu favorise le développement de l’agriculture qui permet de se procurer les moyens de survivre au lieu de vivre de la seule cueillette.

 On voit ici les premiers effets de la technologie. Les potiers vont côtoyer les métallurgistes, les éleveurs les agriculteurs. Peu à peu une organisation des rapports sociaux entre hommes et femmes va s’imposer avec une division du travail, une hiérarchisation entre les groupes. M. Godelier ajoute : « Ces rapports sociaux d’un type nouveau ne puisent pas leur origine dans la sexualité des individus et n’ont pas de liens avec leurs désirs. » Les hommes agissent donc non seulement sur la nature, mais sur eux-mêmes. « Les humains ne sont pas seulement une espèce de primates vivant en société. Il s’agit d’une espèce qui produit de la société pour vivre, c’est à dire qui a la capacité de modifier ses formes d’existence sociale en transformant les rapports des hommes entre eux et avec la nature. ».

 La gestion et le contrôle de leur sexualité en est une des premières conséquences. Mais il y a bien deux principes fondamentaux à la vie sociale : garder ou donner ce que l’on possède. Ce sont là les principes d’organisation de la vie sociale. Ces principes servent à la formation des liens sociaux entre individus et entre groupes. L’échange et le don s’appliquent à tous les domaines de la vie sociale et non pas seulement à celui de l’échange des femmes comme le privilégiait Lévi Strauss.

 Les rapports sociaux de ce genre se développent dans toutes les sociétés et vont mettre les rapports de parenté à leur service pour constituer les supports des rapports de parenté et celui des rapports de descendance, c'est-à-dire les deux angles d’approche de la famille. La conclusion qui pour nous a une grande importance, est que « ce qui fait société, ce qui tient ensemble tous les groupes et les fait dépendre les uns des autres, aussi bien pour des raison imaginaires que pour d’autres, moins immatérielles, ce sont des rapports qui traversent l’ensemble de la société, et ces rapports sont de nature politico-religieuse. »

- 5- Conclusion .

 Nous pouvons en conclure que ce serait une erreur de faire porter sur la famille la responsabilité de l’évolution de notre société moderne. Elle est sous l’influence des puissances politico-religieuses qui agissent pour maintenir le tissu social en place dans le but d’assurer la pérennité de la société. S’il s’avérait que ces forces politico-religieuses engageaient la société dans une dramatique impasse, un appel à la lucidité est parfaitement justifié. Sous les effets des avancées de la société technicienne et de l’obsession de la croissance pour la croissance, la planète terre est mise en danger.

 Sur ce dernier point, l’Église devra bientôt reprendre le sujet qu’elle avait à peine évoqué dans les années 90, celui de la sauvegarde de la création, car il va falloir se reposer la question de notre responsabilité vis-à-vis des générations futures.

H. Lehnebach

 

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