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Cercle Évangile et liberté en Isère
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Cercle Évangile et liberté en Isère
Cercle Évangile et liberté en Isère
  • Le Cercle Évangile et liberté en Isère revendique son appartenance au protestantisme libéral. Ce cercle, membre de l’Église Protestante Unie de Grenoble, se veut ouvert à tous, croyants ou non croyants, sans volonté de faire du prosélytisme.
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11 octobre 2013

Session nationale de la CIMADE – Lyon 2013

 

Je propose cette méditation du pasteur Jacques Walter. Elle va dans le même sens que le message précédent.  Bonne lecture.

 

Je voudrais vous proposer aujourd’hui pour notre méditation un texte de l’apôtre Paul, dans la lettre aux Galates. Ce texte est une proposition et aussi une déduction. Une proposition en ce sens qu’il met devant nous un objectif ; C’est aussi une déduction : si on écoute l’Évangile de Jésus, le Christ, cette proposition va dans le droit fil de la nouvelle manière de vivre à laquelle Jésus nous appelle. C’est une parole qui a inspiré la Cimade dans ses débuts aussi bien qu’elle nous inspire aujourd’hui et demain. Ce texte-proposition-déduction c’est : « Il n’y a plus ni juif ni grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme, car vous êtes tous appelés à être un en Jésus-Christ ».

Nous voyons bien tout de suite que ce texte va à contre-courant de ce qui se passe dans notre monde : toutes ces oppositions existent à l’évidence.

Quand Paul nous dit : il n’y a plus de juifs ni de Grecs, il évoque les religions, puis, plus tardivement, les systèmes philosophiques de pensées, puis les idéologies politiques qui ont toujours rassemblé les humains et à travers lesquels ils ont exprimé leur foi, leurs convictions, leurs attentes, à travers lesquels ils ont défini leurs relations aux autres, les règles et les objectifs de la vie en société. Il  en  est encore ainsi, même si les systèmes de pensées autour desquels se rassemblent les hommes sont en crise. Nous sommes nombreux, à la Cimade, à nous réclamer de l’Évangile. Mais beaucoup, parmi nous, ne le peuvent pas. Si nous nous accordons sur la proposition, nous en puisons la conviction à des sources différentes. Les systèmes de pensée rassemblent, mais aussi divisent. Et pas seulement en ce que nous adhérons à des systèmes différents, mais aussi à l’intérieur de chaque système. Il n’y a qu’à voir les clivages qui existent au sein de chaque religion et les tendances dans les idéologies politiques. J’en tire cette conclusion : nos religions, aussi bien que nos idéologies politiques sont provisoires. Aucune ne peut exprimer totalement la vérité : elle est toujours au-delà et les expressions qu’on en donne ne peuvent être que partielles, approximatives, inachevées. Les dogmes ne peuvent qu’être des expressions provisoires, en un moment donné, de ce qui nous parait vrai. J’en tire la conclusion que si nous continuons d’approfondir nos convictions et nos recherches dans le cadre des systèmes de pensée qui nous ont aidés à devenir ce que nous sommes, ce ne sont que des chemins, et nous voyons bien qu’à côté du nôtre, il y en  a d’autres. Travaillons donc à ce que tous convergent, comme le disait Teilhard de Chardin. Que ce soit l’une des richesses qui nourrissent notre action quotidienne, au sein de notre Cimade, et que cela nous aide à accueillir, écouter et comprendre ceux qui viennent à nous dans leur diversité culturelle et spirituelle, et pour qui nous existons. Et je vous propose de nourrir ce point de notre réflexion avec un texte d’ Amadou Hampaté Bâ, écrivain et ethnologue de l’Afrique de l’Ouest :

L’intolérance religieuse ne date pas d’aujourd’hui. Elle est de tous les temps et de tous les lieux ? Quel pays, quelle religion constituée, quelle idéologie ne l’ont pas connue à un  moment ou à un autre ? Pour moi, intolérance et tolérance sont aussi inséparables de la nature humaine que le bien et le mal. Du point de vue religieux pur, toutefois, l’intolérance est une déviation. Il ne faudrait pas juger les religions, quelles qu’elles soient, à travers les hommes qui les appliquent, ou qui, parfois, les utilisent pour des fins tout autres que réellement religieuses. Les inquisiteurs ne représentent pas toute la chrétienté, qui a continué d’évoluer sans eux ; de même, les intolérances islamiques d’aujourd’hui, à quelque horizon qu’elles appartiennent, ne représentent pas tout l’Islam.

Mon rôle est avant tout, chaque fois que j’ai eu l’occasion de rencontrer un croyant – qu’il s’agisse de mon  frère chrétien, de mon frère judaïste, de mon frère bouddhiste, ou de mon  frère des religions traditionnelles – de me mettre à son écoute, afin de trouver en lui ce que nous avons de commun. Il est temps, je crois, d’oublier nos divergences pour découvrir ce que nous avons de commun et essayer de bâtir, à partir de là, ce qui pourrait être la société religieuse de demain.

                                                           Amadou Hampaté Bâ

                                                       Jésus vu par un Musulman (Editions Stock)

 

La deuxième proposition de Paul est : « Il n’y a plus ni esclave ni homme libre » nous savons bien que ce n’est pas encore le cas. Il y a des riches et des pauvres. Des plus en plus riches et des plus en plus pauvres. L’exploitation de l’homme par l’homme existe partout et les puissances dominatrices étendent leur pouvoir. Nous ne pouvons prendre notre parti de l’état actuel du monde, et si nous œuvrons à la Cimade, c’en est bien le signe. De même, nous ne pouvons pas prendre notre parti de ce que des nations puissantes décident du sort de populations entières, de la manière dont elles vont vivre, des lieux où elles vont se déplacer ou se maintenir. Nous ne pouvons accepter, cautionner des politiques qui créent ou entretiennent ces inégalités. Donner accès aux droits, c’est bien, et nous avons raison de le faire, mais nous ne nous suffisons pas de l’expression provisoire du droit. Nous aspirons à une plus haute justice, qui fasse réellement place à chaque être humain sur cette terre. Et là encore, nous écouterons une voix qui vient d’ailleurs, celle d’un chef indien d’Amérique, le chef Joseph :

Si l’homme blanc veut vivre en paix avec l’Indien, il le peut.  Il suffit de traiter tous les hommes de la même manière et de leur donner les mêmes lois, de leur donner à tous une chance égale de vivre et d’évoluer.

Tous les hommes ont été créés par le même Grand Esprit Chef. Ils sont tous frères. La terre est la mère de tous les hommes, lesquels ont les mêmes droits sur elle. Il y a autant de chances que les rivières coulent d’aval et amont qu’il y a de chances qu’un homme libre soit content d’être parqué et de se voir dénier la liberté d’aller où bon lui semble.

Si vous attachez un cheval à un piquet, espérez-vous qu’il grossisse ? Si vous parquez un Indien sur un petit lopin de terre et l’obligez à y rester, il ne sera pas content, il ne grandira pas, ne prospérera pas.

                                             Chef Joseph ( 1840-1904)

                                                   Paroles des sages d’Amérique du Nord

 

Et voici la troisième proposition : « Il n’y a plus ni homme ni femme ». L’humanité existe avec des différences. La plus immédiate est celle des hommes et des femmes. C’est le thème que nous avons abordé tout au long de notre session sous l’angle du genre. Les distinctions existent et il serait sot et vain de vouloir les supprimer. Ce que nous n’acceptons pas c’est qu’elles n’existent que dans l’antagonisme, dans la domination d’une catégorie sur une autre. Et dans ce domaine, il y a encore bien du chemin à faire. Au-delà des distinctions évidentes hommes/femmes, il y en a d’autres que l’on peut noter : les homosexuels, bien sûr, mais aussi les distinctions ethniques, celles que certains appellent encore à tort ‘races’ … L’humanité est faite de ces différences. Ce qui est insupportable, c’est qu’on  s’appuie sur ces différences pour justifier des dominations et des oppressions. Et c’est contre cette prétention au droit de dominer que nous ne devons pas cesser de nous opposer.

La réflexion sur ces propositions de l’apôtre Paul manifeste clairement qu’il nous faut changer de regard. Quelle sera la source où puiser pour trouver l’énergie nécessaire à ce changement ? Paul nous dit, pour justifier sa proposition : « car vous êtes tous appelés à être un en Jésus, le Christ ». Ceux qui ont été convaincus par la nouvelle manière de vivre que nous propose Jésus trouvent dans la foi en sa parole une force de changement. On ne peut pas croire en ce que Dieu nous dit à travers Jésus et rester les mêmes. Mais nous sommes à la Cimade où il n’y a pas que des disciples du Christ. Et pourtant, nous nous retrouvons sur les mêmes objectifs. Respectons donc nos divers cheminements, et lorsque nous pensons différemment, choisissons de ne pas nous opposer,  mais de dialoguer. Sur le ‘pour quoi’, nous nous retrouvons de fait.. Le ‘comment’, nous arrivons à le trouver. Sur nos raisons profondes de penser et d’agir, nous ne pouvons que nous enrichir à travers un dialogue honnête et respectueux.

Si nous pouvons être facilement tous d’accord sur la vision  de l’humanité que Paul nous propose, le quotidien  que nous allons retrouver dès demain  nous rappellera vite qu’elle est infiniment difficile à réaliser. Dans notre recherche pour mettre en œuvre les conséquences d’un nouveau regard sur la vie à partager et à inventer avec nos semblables, il peut arriver que nous soyons accablés par l’ampleur des obstacles à surmonter. Écoutons donc le message d’espoir que nous laisse Stefan Zweig :

Mais après la marée,  flots se retirent : les despotismes vieillissent vite et meurent non moins vite ; les idéologies et leurs victoires passagères prennent fin avec leur époque ; seule l’idée de liberté spirituelle que rien ne peut détruire remonte toujours à la surface parce qu’éternelle comme l’esprit. Si on la traque momentanément, elle se réfugie au plus profond de la conscience, à l’abri de l’oppression. C’est en vain que l’autorité pense avoir vaincu la pensée libre parce qu’elle l’a enchaînée. Avec chaque individu nouveau naît une conscience nouvelle, et il y en aura toujours une pour se souvenir de son devoir moral et reprendre la lutte en faveur des droits inaliénables de l’homme et de l’humanité.

                                                           Stefan Zweig

                                Conscience contre violence ou Castellion contre Calvin

 

Le fait que Stefan Zweig se soit finalement donné la mort, en exil, submergé par l’angoisse et le désespoir de ce que le totalitarisme faisait peser sur l’Europe et le monde, n’ôte rien à la vérité de ses paroles d’espoir.. Et s’il nous arrive d’être découragés à propos de nos possibilités d’action au soir de notre vie, rappelons-nous que « l’idée de liberté spirituelle que rien ne peut détruire remonte toujours à la surface  et qu’avec chaque individu nouveau renaît une conscience nouvelle et qu’il y en aura toujours une pour se souvenir de son devoir moral et reprendre la lutte en faveur des droits inaliénables de l’homme et de l’humanité ».

                                  

                                                          Jacques Walter

                                                    Lyon, le 6 octobre 2013

 

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