13 novembre 2016
La France commémore le massacre du 13 novembre 2015. L’État est mis au défi de dire ce qui rassemble, ce qui fonde « l’être ensemble », ce qui peut faire l’union d’un peuple en guerre contre un ennemi invisible et imprévisible. Les hommes politiques dévoilent les plaques commémoratives sur lesquelles sont inscrits les noms des victimes. Derrière un micro, le Président de la République pérore face aux caméras sans avoir grand-chose dire. Il n’incarne plus rien ! Si les victimes de Charlie Hebdo, du Bataclan, de Bruxelles, des terrasses, de Bruxelles, de Nice étaient mortes pour la France, il pourrait faire un discours guerrier et vengeur, et le clore par une marseillaise triomphale. Mais voici que le sang impur qui « abreuve nos sillons » n’est pas celui des barbares. C’est le nôtre. S’il est impur, c’est que nous ne savons pas dire comment nous sommes un, et au nom de quoi nous sommes ensemble, quelque soient nos différences culturelles, raciales, religieuses ou non.
La rage politicienne est le seul moteur des vautours soucieux de glaner des voix pour leur seul projet personnel. Ils devaient incarner un recours sublimant l’idéal de tous. En fait beaucoup pensent qu’ils n’ont aucun souci du bien général. Pas même celui des générations futures. Le court terme est leur seul enjeu, leur réélection.
Une psychanalyste participant à l’émission « C dans l’air » du 11 novembre déplorait l’absence d’un geste inspirant le sacré. Elle craignait que la réouverture du Bataclan avec un spectacle ne soit une façon de tourner la page pour oublier le drame du massacre. En fait, cette réouverture du Bataclan était indispensable pour un bon nombre de victimes. Cette psychanalyste est-elle freudienne ? Lacanienne ? Je ne sais. L’étrange est bien qu’une enfant de la psychanalyse athée invoque le secours de la religion- fut-ce une religion athée ! Il ne resterait donc plus qu’à invoquer le sacré pour dire ce qui pourrait unir un peuple en danger de dislocation, de rupture, de fracture avec son être. Les hommes politiques n’ont pas les mots qu’il faudrait ! Et l’extrême droite, enthousiaste du succès d’un psychopathe narcissique élu par le pays démocrate le plus puissant du monde, ouvre peut être la voie à l’avènement d’une dictature populiste.
Ainsi, après avoir pris ses distances avec l’Église, la modernité a sécularisé les valeurs héritées de la religion, qu’il s’agisse de la famille, du travail, de la solidarité. Puis la poste modernité a dénigré ces valeurs car elle a perdu ses illusions. Le Code civil de 1804 est mis en pièce. Le travail qui était une vocation a transformé l’homme en marchandise. L’individualisme égoïste se rit du sens du devoir des républicains d’antan. Le progrès ne devait-il pas apporter le bonheur de l’humanité ?
Les chrétiens sont alors indirectement sollicités pour ramener un peu de sacré. Trouveront ils les mots qui manquent pour dire les véritables raisons du vivre ensemble ? Faire simplement la charité et dire « aimons nous les uns les autres » et le vivre au sein de nos communautés, c’est bien mais insuffisant. Il faut toucher le peuple hors des églises, au besoin avec un langage a religieux comme disait Bonhoeffer. La spiritualité contemporaine est essentiellement immanente. Sa source est dans l’homme. Les problématiques écologiques et cosmologiques concernent aussi la théologie si elle déborde le champ d’une spiritualité individuelle, au risque de s’impliquer socialement.
Hugues Lehnebach